La ferme sur laquelle se trouve maintenant installé le vignoble Domaine des Côtes d’Ardoise existe depuis la fin du siècle dernier.

Selon les personnes qui ont passé leur enfance sur cette ferme, dans les années 40, la ferme était déjà connue à l’époque pour produire les premiers légumes de toute la région au printemps ainsi que les derniers à l’automne, car les gelées étaient moins tardives au printemps et plus tardives à l’automne que partout ailleurs. C’est donc dire que déjà à cette époque, le micro-climat des Côtes d’Ardoise était connu. Ce climat particulier a de nouveau été remarqué par celui qui a acheté la ferme en 1977, monsieur Christian Barthomeuf, qui eut alors l’idée de commencer à cultiver de la vigne.

Le vignoble Domaine des Côtes d’Ardoise est situé à 80 km au sud de Montréal, près de la frontière Québec-Vermont, dans la municipalité de Dunham, comté de Brome-Missisquoi, sur un terrain d’une superficie de 180 hectares, dont 150 en boisé.

Conditions physiques et climatiques au vignoble

Le vignoble Domaine des Côtes d’Ardoise est établi sur les premiers contreforts appalachiens dominant la très large plaine du St-Laurent, à une altitude de 150 mètres, sur un sol franc dérivé d’ardoise et de schiste argileux, formé lors d’un glissement de l’époque primaire qui fut très fortement érodé lors du secondaire et du tertiaire.

L’importante proportion d’ardoise, de schiste et de différents cailloux formant la couche très superficielle du sol (moins de 30 cm à certains endroits) a pour effet, lors de la saison chaude, d’emmagasiner un maximum de chaleur et de hausser les températures sensiblement pendant l’été, et pendant la nuit. Trois faits importants ajoutent à cela.

  • Les parcelles en pente douce  (caractéristique négative lors des gros orages de juillet) sont ceinturées de fortes haies d’arbres aux quatre points cardinaux, les abritant du vent.
  • La propriété est déjà située dans la zone la plus chaude et la moins pluvieuse du Québec (influence de la baie Missisquoi).
  • Et surtout le domaine est abondamment baigné par la couche d’air chaud tampon posée sur la vallée du St-Laurent. En effet, au-dessus de toute vallée, il existe une couche d’air chaud dont l’épaisseur et l’altitude varient selon chaque vallée.

Or pour la vallée du St-Laurent, cette couche de chaleur se situe entre 450 et 750 pieds. La partie la plus basse du vignoble, c’est-à-dire, la route, est justement située à 450 pieds au-dessus du niveau de la mer.

A noter que le vignoble est situé sur la première petite butte rencontrée en venant de Montréal. Par temps clair, lorsqu’on se tient sur la partie la plus élevée du vignoble, on peut apercevoir Montréal. Cette couche d’air chaud fait une immense différence quant à la durée de la saison végétative, c’est-à-dire, la période sans gel.

Les dernières gelées du printemps et les premières gelées de l’automne surviennent habituellement la nuit par temps clair et sans vent. L’air chaud étant plus léger monte tandis que l’air froid, plus lourd, descend. L’air froid descend le long des pentes pour s’arrêter et séjourner au pied des côtes, dans ce qu’on appelle les terres basses. Rappelez-vous les prévisions atmosphériques souvent entendues au printemps et à l’automne « RISQUE DE GEL LA NUIT PROCHAINE DANS LES TERRES BASSES »

La couche de chaleur et le terrain en pente, font en sorte que ce vignoble a de 2 à 3 semaines de plus sans gel, au printemps et à l’automne, que les terrains situés à quelques centaines de mètres de chaque côté de lui. C’est pourquoi, il est possible de cultiver certains cépages, des rouges entre autres, qui demandent une saison plus longue pour atteindre une bonne maturité.

Climat exceptionnel au vignoble des Côtes d’Ardoise

Selon les statistiques des stations météorologiques, la région de Dunham a une moyenne de 144 jours sans gel annuellement, Cependant, au Domaine, nous avons une moyenne annuelle de 182 jours, moyenne calculée de 1981 à 1988.

Durant cette période, le nombre de jours sans gel a varié de 157 en 1986 à 195 jours en 1987.

Jours sans gel au vignoble

Année Période Jours sans gel
1988 19 avril au 30 octobre 194
1987 20 avril au 2 novembre 195
1986 2 mai au 9 octobre 160
1985 20 avril au 28 octobre 192
1984 27 avril au 5 octobre 165
1983 18 avril au 21 octobre 185
1982 16 avril au 9 octobre 190
1981 23 avril au 12 octobre 180

Contrairement à ce que l’on peut penser, cette région de Dunham jouit du même nombre d’unités de chaleur que la péninsule du Niagare, en Ontario. Les unités de chaleur sont calculées selon les températures et la durée d’exposition du soleil. Ces unités de chaleur sont cependant distribuées de façon différente ici et au Niagara.

La péninsule du Niagara est climatisée par les lacs Ontario et Erié. De par ce fait, les températures du début de l’été sont beaucoup plus fraîches (surtout la nuit, car les eaux se réchauffent moins vite que la terre. Il s’ensuit que le départ végétatif est plus lent au Niagara qu’ici.

Nos vignes sont donc plus précoces de 10 à 15 jours quand au débourrement. Par contre, à l’automne, l’effet est contraire, et à partir de la mi-septembre, les nuits ontariennes sont plus douces et les risques de gel hâtif presque nuls.

Les données fournies par différentes stations de recherches provinciales et fédérales ont confirmé par exemple, que pour les années 81 et 82, les unités de chaleur enregistrées au Domaine pour les mois de mai, juin, juillet, août et septembre étaient plus importantes que  dans la vallée du Niagara et beaucoup plus importantes que certains endroits près de nous comme Farnham et Rougemont.

Unités de chaleur

Lieu Année 1981 Année 1982
Frelighsburg 1813.25 1777.00
Farnham 1875.25 1772.00
Franklin 2052.25 1899.25
Rougemont 1849.50 1910.75
Vineland Ont. 2244.00 2015.00
Côtes d’Ardoise 2250.00 2020.50

Ce qui différencie réellement la région du Niagara de notre région, c’est l’hiver, qui est beaucoup plus froid ici.

En effet il y a l’hiver, et selon les variétés, viniferas ou hybrides, les bourgeons peuvent être détruits à partir de –15  ou -25 degrés Celsius  si les précautions nécessaires ne sont pas prises. Pour cette raison, pour la plupart des cépages cultivés actuellement il faut protéger pendant l’hiver, les bourgeons qui donneront les fruits l’été suivant.

Une des façons de la faire, c’est de recouvrir la base du plant, incluant les bourgeons du bas, d’une butte de terre d’environ 30 centimètres de hauteur.  C’est ce qu’on appelle le renchaussage, une technique employée depuis fort longtemps en Chine et qui, comme la roue,  semble avoir été réinventée plusieurs fois depuis. C’est pour cette raison que dès 1980, la plantation s’est faite en laissant des allées de 2 mètres entre les rangées de vignes nous permettant ainsi de prendre la terre du milieu de l’allée et de la déplacer vers les vignes.

Les allées sont plus larges ici que partout ailleurs en Europe, en Australie ou  en Californie. Il y a donc moins de pieds de vignes à l’hectare, et conséquemment une production moindre à l’hectare.

Le renchaussage se fait durant le mois de novembre. Attention, il ne faut pas se faire prendre par une gelée trop hâtive. Pour cette raison, il faut faire la taille de telle sorte que les bourgeons de l’année suivante seront bas situés et que l’on pourra les protéger par le renchaussage. Nous sommes condamnés à faire ce qu’on appelle une culture basse. Nous ne serons jamais capables de ramasser les raisins à hauteur d’homme pour certains  cépages que nous cultivons actuellement.

Certains cépages développés récemment résistent mieux au froid et sans doute que d’ici quelques années, d’autres cépages feront leur apparition, avec des caractéristiques spéciales pour les climats froids comme le nôtre. A moins que ce soit notre climat qui change avec le réchauffement de la planète.